L’univers des assurances connaît une transformation profonde sous l’impulsion des avancées technologiques et des réformes réglementaires. En 2025, la relation entre assureurs et assurés se caractérise par un équilibre renouvelé entre droits élargis et responsabilités accrues. La directive européenne 2023/36/UE, entrée en vigueur le 1er janvier 2025, redéfinit fondamentalement ce cadre juridique. Les assurés disposent désormais d’un arsenal de prérogatives inédites, mais doivent parallèlement satisfaire à des exigences de transparence et de vigilance renforcées. Cette mutation façonne un écosystème assurantiel où la protection des données, la personnalisation des contrats et le devoir d’information occupent une place prépondérante.
Le Droit à la Transparence Algorithmique
La révision du Code des assurances par la loi du 14 mars 2024 consacre un droit d’accès aux mécanismes algorithmiques utilisés dans la tarification et l’évaluation des risques. Désormais, chaque assuré peut exiger une explication détaillée des paramètres ayant influencé sa prime ou la décision de couverture. L’article L.112-2-3 impose aux assureurs de fournir, dans un délai de 15 jours, une documentation intelligible sur les variables considérées et leur pondération respective.
Cette transparence s’accompagne d’un droit de contestation formalisé devant la Commission de Contrôle des Pratiques Assurantielles (CCPA), nouvel organe institué par décret en janvier 2025. Un assuré estimant sa prime injustifiée peut saisir cette instance qui dispose d’un pouvoir contraignant de révision. Durant les six premiers mois d’application, la CCPA a traité 3 742 recours, aboutissant à 1 231 révisions tarifaires.
La jurisprudence de la Cour de cassation (Civ. 2e, 17 février 2025, n°24-13.459) a précisé les contours de ce droit en sanctionnant un assureur qui avait refusé de communiquer la méthodologie d’analyse d’un système prédictif. Le tribunal a estimé que « l’opacité algorithmique constitue une entrave à l’exercice des droits fondamentaux de l’assuré ».
En contrepartie, les assurés doivent accepter que leurs données comportementales alimentent ces systèmes, sous réserve d’un consentement explicite et révocable. Le règlement européen 2024/89 sur l’Intelligence Artificielle dans le secteur financier impose une notification claire chaque fois qu’une décision automatisée influence la relation contractuelle.
La Personnalisation des Garanties et ses Limites
La loi ASAP-2 du 7 novembre 2024 reconnaît formellement le droit à la personnalisation des contrats d’assurance. L’article L.113-15-3 du Code des assurances stipule que « tout assuré peut solliciter l’adaptation de ses garanties à sa situation individuelle, dans la limite des contraintes techniques et actuarielles ». Cette disposition marque une rupture avec la standardisation traditionnelle des polices d’assurance.
Concrètement, les assurés peuvent désormais:
- Moduler leurs franchises en fonction de périodes prédéfinies (saisonnalité des risques)
- Activer ou désactiver certaines garanties via des interfaces numériques certifiées
- Bénéficier d’une tarification dynamique reflétant l’évolution de leur profil de risque
Toutefois, cette personnalisation s’accompagne de garde-fous juridiques. L’arrêté ministériel du 23 janvier 2025 interdit formellement toute discrimination tarifaire fondée sur des critères génétiques ou médicaux prédictifs. La mutualisation des risques demeure un principe cardinal, comme l’a rappelé le Conseil constitutionnel dans sa décision n°2024-918 DC, jugeant que « la personnalisation ne saurait conduire à l’exclusion des populations vulnérables du bénéfice de l’assurance ».
La responsabilité accrue des assurés se manifeste par l’obligation de mettre à jour leur profil de risque. L’article R.113-27 impose une actualisation annuelle des informations personnelles, sous peine de voir certaines garanties suspendues. Cette obligation fait écho au principe de coopération mutuelle qui sous-tend la relation assureur-assuré en 2025.
Protection des Données et Souveraineté Numérique
Le règlement européen 2024/521 relatif à la protection des données dans le secteur assurantiel, transposé par l’ordonnance du 19 décembre 2024, renforce considérablement les droits des assurés sur leurs données personnelles. Désormais, chaque assuré dispose d’un droit à la portabilité intégrale de son historique assurantiel, incluant les déclarations de sinistres, les évaluations de risque et les données comportementales collectées.
Cette portabilité s’exerce via le Passeport Assurantiel Numérique (PAN), infrastructure sécurisée qui centralise l’ensemble des informations relatives aux contrats d’un individu. L’article L.112-9-2 du Code des assurances garantit que la transmission de ces données entre assureurs doit s’effectuer dans un délai maximum de 72 heures, facilitant ainsi la mobilité des assurés.
La souveraineté numérique se traduit par un contrôle granulaire sur l’utilisation des données. Le décret n°2025-118 du 3 février 2025 impose aux assureurs de recueillir un consentement spécifique pour chaque finalité de traitement, au-delà de la stricte exécution du contrat. La CNIL, dont les pouvoirs ont été renforcés par la loi du 14 mars 2024, peut désormais prononcer des sanctions pouvant atteindre 8% du chiffre d’affaires mondial des compagnies contrevenantes.
En contrepartie, les assurés sont tenus à une obligation de véracité renforcée. L’article L.113-8-1 introduit une présomption de mauvaise foi en cas de fourniture d’informations erronées via les interfaces numériques certifiées, inversant ainsi la charge de la preuve traditionnelle. Cette disposition a fait l’objet de 14 applications jurisprudentielles durant le premier semestre 2025, aboutissant à 9 résiliations de contrats pour déclaration frauduleuse.
Les Mécanismes de Résolution des Litiges
La directive 2023/36/UE a révolutionné les procédures de règlement des différends entre assureurs et assurés. Le droit au recours s’exerce désormais selon un processus séquentiel obligatoire avant toute action judiciaire. L’article L.112-14 du Code des assurances instaure une procédure en trois temps: médiation interne, médiation sectorielle, puis saisine du Médiateur National des Assurances (MNA).
Ce dernier, dont le statut a été redéfini par la loi du 7 novembre 2024, dispose désormais de pouvoirs contraignants pour les litiges inférieurs à 15 000 euros. Ses décisions sont exécutoires dans un délai de 30 jours, sauf contestation judiciaire formée par l’assureur – et non plus par l’assuré. Ce renversement de la charge procédurale constitue une avancée majeure pour la protection du consommateur.
L’innovation juridique la plus notable réside dans l’introduction des actions collectives simplifiées. L’article L.623-1-1 du Code de la consommation permet désormais aux associations agréées de regrouper automatiquement les assurés victimes d’une même pratique abusive, sauf opposition explicite de leur part dans un délai de deux mois (mécanisme d’opt-out). Cette disposition a permis l’indemnisation de 37 000 assurés dans l’affaire des « surprimes cachées » jugée en mars 2025.
La contrepartie de cette protection renforcée réside dans l’obligation pour les assurés de respecter scrupuleusement les délais de déclaration et les procédures précontentieuses. L’article R.114-5 prévoit la forclusion automatique des recours n’ayant pas respecté les étapes préalables obligatoires, disposition confirmée par l’arrêt de la Cour de cassation du 5 mai 2025 (Civ. 2e, n°25-11.247).
Le Nouvel Horizon de la Responsabilité Partagée
L’évolution la plus profonde concerne peut-être la redéfinition conceptuelle de la relation assureur-assuré. Le paradigme traditionnel, fondé sur un rapport asymétrique, cède la place à un modèle de co-construction du risque. L’article L.113-1-2, introduit par l’ordonnance du 19 décembre 2024, consacre juridiquement cette approche en stipulant que « l’assureur et l’assuré concourent conjointement à l’identification, l’évaluation et la prévention des risques couverts ».
Cette philosophie se matérialise par l’émergence d’un devoir de prévention incombant à l’assuré. L’article R.113-12-1 définit ce devoir comme « l’ensemble des mesures raisonnables que l’assuré doit mettre en œuvre pour minimiser la survenance ou l’aggravation du risque ». La jurisprudence a précisé ce concept, notamment dans l’arrêt du 12 février 2025 (Civ. 2e, n°24-19.874) qui valide la réduction proportionnelle d’indemnité en cas de manquement avéré aux obligations préventives expressément mentionnées au contrat.
Les contrats comportementaux, cadre juridique innovant reconnu par le décret n°2025-47, illustrent parfaitement cette tendance. Ces polices intègrent des clauses de modulation tarifaire fondées sur des comportements mesurables et vérifiables de l’assuré. Le Conseil d’État, dans son avis n°411.298 du 3 mars 2025, a validé ce mécanisme sous réserve qu’il respecte trois principes: proportionnalité, transparence et réversibilité.
Cette responsabilisation s’accompagne d’un droit à l’accompagnement dans la gestion des risques. L’article L.112-2-4 impose aux assureurs de proposer des programmes de formation et de sensibilisation adaptés à chaque catégorie de risque. En pratique, 78% des compagnies d’assurance ont développé des applications dédiées à cette mission pédagogique, comme l’a relevé l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution dans son rapport annuel 2025.
